Archive for the marionnette Category

Nouvelle Vidéo d’Imago

Posted in art, indonésie, marionnette, ombre, spectacle vivant, théâtre, voyage on 3 septembre 2010 by theatreimago

Vous pouvez découvrir la nouvelle bande démo sur la version finale d’Imago que nous avons joué à Yogyakarta avec Ria, la marionnettiste indonésienne chez qui nous étions en résidence tout le mois de mai.

De retour

Posted in art, indonésie, marionnette, ombre, spectacle vivant, théâtre on 31 juillet 2010 by theatreimago

La compagnie est rentrée depuis le 16 juin et nous organisons actuellement les rendez vous de la saison prochaine.

Pour ceux qui rejoignent ce blog, nous avons édité un document retraçant nos différentes étapes de la tournée d’Imago en Asie du Sud est. Vous pouvez le télécharger grâce au lien ci-dessous.

Imago en Asie du Sud est

A notre retour, nous souhaitions aussi fabriquer un support de présentation qui ressemble au spectacle. Sandrine et Francine ont alors conçu un dossier de présentation illustré en forme de papillon. Nous vous invitons à le découvrir ci dessous.

Dossier de présentation Imago

Pour la saison prochaine, des dates sont d’ores et déjà fixées avec certains de nos partenaires :

Les vendredi 8 et samedi 9 octobre 2010, nous serons présents à la Salle Jean Jaurès de Gémenos avec un exposition sur nos rencontres asiatiques, des représentations d’Imago ainsi qu’un « carnet de voyage » théâtralisé que nous sommes en train d’écrire.

Le Samedi 23 octobre à 15h, Imago sera accueilli à l’Espace Bellegarde à Aix en Provence pour une représentation unique.

-Enfin, le Parvis des arts (Marseille) accueillera Imago durant trois semaines entre le 12 février 2011 et le 6 mars. Durant cet accueil, nous présenterons aussi l’exposition sur nos rencontres asiatiques ainsi que le « carnet de voyage » théâtralisé lors de représentations tout public.

N’hésitez pas à nous téléphoner pour plus de renseignements au
06 31 98 20 73 ou inscrire votre mail sur la droite.
A bientôt.

Surabaya, la ville- Léviathan. Etape du 11 au 18 avril. Episode 2

Posted in art, indonésie, marionnette, spectacle vivant, théâtre, voyage on 15 Mai 2010 by theatreimago

L’heure venue, nous sommes allés nous maquiller dans une concentration juste. Le souvenir de Denpasar et du black out durant la représentation accroissait mon trac, j’avais très envie de retrouver mes sensations sur scène, de retrouver une densité et une certaine écoute avec ma partenaire. J’étais d’autant plus impatient que je remarquais depuis quelques répétitions que Sandrine gagnait en habileté de manipulation. Déjà, lors de la conférence de presse interminable que nous avons eu l’avant-veille, elle avait présenté les marionnettes et notamment une fourmi très vive dans ses mouvements et très rigolote dans ses réactions. Je me souvenais alors que mes premières véritables sensations sur scène étaient passées par le corps et par le « biorythme » de mes personnages. Ce genre de déclics se font sans prévenir dans le corps de l’acteur (ou actrice) et ne se stabilisent pas tout de suite. Les premières fois, les vraies sensations vont et repartent comme une anguille insaisissable si bien que souvent on a le trac que « ça » arrive ou non. Je ressentais cela très fort chez Sandrine et les fulgurances de vie de ses marionnettes devenaient de plus en plus nombreuses et fréquentes. C’est dans ce contexte que j’ai vécu une de mes meilleures représentations d’Imago. Je me sentais libre dans l’histoire et cela malgré de nombreuses erreurs techniques de M. Anto qui avait un peu perdu sa compréhension des choses entre 16h et 19h…

Le public a été pour beaucoup dans mon plaisir. Les enfants étaient bien présents au premier rang et les adultes ont été super : ils riaient, s’extasiaient, écoutaient. Plus préoccupée et surtout plus concernée que moi par les problèmes de lumière, Sandrine n’a pas pu profiter autant de ce contexte favorable. Elle m’a raconté après qu’elle a passé son temps à faire de grands signes à M. Anto pour qu’il rectifie ses lancements hasardeux. Je me sentais un peu coupable de lui laisser tant de choses à gérer pendant que moi je m’amusais dans mon rôle. C’est dur d’être une déesse omnipotente durant un spectacle…

Après la représentation, nous avons été invités chez le Directeur du centre, Christian, pour manger une salade indonésienne très fameuse : le « gado-gado » dont la sauce est à la cacahuète. Notre amertume du début s’était définitivement muée en grande joie et nous étions très contents de la semaine si bien que nous décidons de rester deux jours de plus pour visiter enfin cette ville qui nous effrayait tant. Pierre-Benoît et Aan se sont chargés d’organiser cela. Le lendemain, nous sommes donc partis à la découverte des gens qui composent ce Léviathan urbain. Nous avons commencé par l’usine de fabrique de « kretel ». Ce sont les cigarettes que fument presque tous les indonésiens et qui ont la particularité d’être composées de tabac et de clous de girofle. Là encore, le visage du Léviathan s’est découvert. L’usine, « The house of Sampoerna », est composé d’un petit musée au style « art déco » des années 30 comme on en voit à Amsterdam (influence coloniale oblige) et juste derrière une vitrine, les visiteurs peuvent « admirer » des milliers de femmes travaillant comme des fourmis sur la confection des cigarettes et de leur paquet sur une musique enjouée. Nous restons bouche bée devant leur vitesse d’exécution. Sandrine est très mal à l’aise devant ces femmes qui lui font penser à des gens atteints de maladie nerveuse. Leur corps et leur visage est agité de sursauts qu’elles canalisent à la perfection pour accomplir leur tâche. Puis, nous partons découvrir le quartier arabe (d’origine yéménite) qui s’organise autour de la mosquée Sunan Ampel du nom d’un des pères de l’Islam javanais. Cette visite nous plonge au cœur d’un souk totalement inattendu en plein contexte asiatique. Quelques pâtés de maisons plus loin, on entre dans le « Chinatown » de Surabaya, un des plus importants d’Indonésie. Ici, il faut préciser que les indonésiens d’origine chinoise détiennent une grande part de l’économie du pays et qu’ils sont ainsi très mal perçus par la majorité de la population. Un peu à l’image des pogroms contre les juifs, les épisodes de crise économique sont souvent synonymes d’émeutes contre les quartiers chinois. Toutefois, Surabaya a souvent été épargné tant la communauté chinoise est ici puissante et organisée. Elle garde en outre un tissu social très fort avec toujours le culte des anciens dans des temples confucéens et une pratique immobilière cumulative. Un chinois qui a fait fortune ne vendra jamais son premier magasin, cela devient un peu son porte bonheur, sa première marche vers la fortune. Dans un temple, nous rencontrons un petit théâtre de marionnettes chinoises avec des marionnettistes bien étranges. Ils insistent pour que nous restions attendre que le spectacle commence et nous font découvrir les coulisses et leurs marionnettes à gaine. Ils nous montrent aussi leurs scripts qui ne sont autres que des BD « d’heroic fantasy » sur des récits mythologiques chinois. Nous avons passé un très bon moment mais lorsqu’est venu l’heure de représentation, ils n’ont tout simplement pas joué… Nous sommes frappés de voir comment deux communautés aussi différentes que les yéménites et les chinois ont organisé leurs modes de vie à quelques mètres les uns des autres.

A la fin de cette journée, nous décidons d’aller voir le fameux quartier « dolly », le plus grand bordel d’Asie dont je vous ai parlé plus haut. Nous y sommes restés à peine 10 minutes tant cela nous a mis mal à l’aise. Pas de photos ici, ce n’est pas la peine, il faut juste l’avoir vu pour le croire. Pour avoir vécu en Belgique, je n’écris pas ces propos en me couvrant d’une pruderie petite bourgeoise. La prostitution est un phénomène que j’avais déjà rencontré. Mais là ! Des enfants voués à la boucherie sexuelle mondialisée ; le Léviathan est aussi libidineux qu’aliénant.

Le lendemain, nous partons en voiture non loin de Surabaya voir les ruines de l’empire Mojopahit, dernier empire hindouiste de Java dont les survivants ont tous fui vers Bali et ont permis à l’île des Dieux de bénéficier de ce syncrétisme tout à fait unique entre les origines animistes et l’hindouisme javanais. Je suis très excité à l’idée de revoir des monuments anciens après deux semaines de disette urbaine. Toutefois, mon attente est un peu déçue par ce qui reste de ce vaste empire. La grande partie des constructions étaient en bois et seuls quelques bâtiments subsistent. La balade est tout de même bien agréable car les restes de l’empire gisent au milieu de vastes rizières et nous découvrons la nature de Java. Là aussi, nous sommes bien accompagnés par Pierre Benoit, Aan et Ani, une professeur de français adorable. Avec Sandrine, nous avions été très touchés toute la semaine par la gentillesse des professeurs de français indonésiens. L’amour qu’il porte à cette langue très compliquée qu’est le Français et pour ce pays si spécial donne une leçon d’humilité à notre identité culturelle. Sans eux, elle ne serait pas grand-chose hors de nos frontières…

Le lendemain, à l’aube, nous prenons le train avec tout notre « barda », notre décor ainsi qu’un superbe Batik qu’Aan nous a offert en nous disant au revoir. Nos cœurs ressemblaient à nouveau à des artichauts vinaigrette… Nous cheminions maintenant vers notre dernière destination javanaise, Yogyakarta. Nous étions tristes de quitter nos amis de Surabaya mais très impatients de découvrir Yogyakarta, notre étape la plus longue : 1 mois et demi dans la même ville ! Les paysages défilaient derrière la fenêtre du train et Java la mystique se révélaient peu à peu prenant la place du Léviathan Surabaya.

A l’heure où j’écris ces lignes, cela fait maintenant un mois que nous sommes à Yogyakarta et chacune des semaines mériteraient un article comme celui-ci. Toutefois, nous travaillons tous les jours entre la licence de Sandrine, le stage avec un maitre de la marionnette javanaise, les visites de Borobudur, le plus grand monument bouddhiste au monde, de Prambanan, le plus grand ensemble architectural hindouiste d’Asie du Sud Est et bien sûr tous ces moments vécus avec les nouvelles personnes que nous rencontrons. Nous avons remis en chantier « Imago » avec une compagnie locale de marionnette et nous préparons deux représentations les 26 et 27 mai prochain dans le cadre du Printemps Français en Asie. Ce que nous n’avions jamais eu le temps d’achever prend enfin forme mais nous ne vous dévoilerons pas les dernières nouveautés afin que vous ayez la surprise en France.

Toutes ces priorités nous amènent à vous envoyer à l’avenir des billets sûrement moins écrits et avec plus de photos. Certains qui rechignent à la lecture seront sûrement soulagés… Mais ne vous réjouissez (ou ne désespérez) pas trop vite car ce que nous n’avons pas le temps de mettre en forme dans le blog, nous le consignons dans des carnets à la plume. Vous aurez toutes les étapes détaillées cet été et vous pourrez voyager encore même quand nous serons de retour…

Nous vous embrassons bien fort,

rémi

Surabaya, la ville-Léviathan. Etape du 11 au 18 avril. Episode 1.

Posted in art, indonésie, marionnette, spectacle vivant, théâtre, voyage on 15 Mai 2010 by theatreimago

A la fin du stage à l’Institut seni indonesia de Denpasar, nous sommes littéralement vidés. La présentation s’est bien passée malgré quelques longueurs. Nous avons droit aux félicitations d’usage mais une sorte de goût d’inachevé reste dans ma bouche. Je ne sais pas ce qui était de l’ordre du véritable échange et ce qui était de l’ordre du convenu. Ici, c’est très valorisant de faire des « kolaborasi » avec d’autres artistes et j’ai comme l’impression d’avoir été prétexte à un discours.

En même temps, j’ai bataillé ferme toute la semaine pour que les consignes du workshop ne se diluent pas dans l’éternel sourire balinais et qu’une certaine concentration soit maintenue. Après la présentation, nous essayons de passer un moment de détente mais le cœur n’y est pas. Nous avons accumulé en silence trop d’attente, trop d’impatiences et trop de nervosité. Et puis, nous quittons Bali et nos amis le lendemain…

Comme souvent après une grosse échéance, mon corps reprend ses droits et je sens une « anomalie » dès le réveil… La migraine ne tarde pas à arriver. Contrairement à celle d’Hanoï, elle est très forte d’emblée ce qui tombe très mal car nous devons régler plein de choses avant de partir : rendre la moto, vérifier les mails et les comptes sur internet, faire les bagages… Pour ne rien arranger, une pluie diluvienne s’abat sur Denpasar alors que Sandrine est allée de son côté à pied. Je pars alors la chercher en moto sous ce déluge ne voyant rien d’un œil à cause de la migraine et ne la trouvant pas. Bien à l’abri, Sandrine m’avouera plus tard qu’elle a cru me voir passer mais qu’elle a réagi un peu tard…

Cette dernière journée balinaise a été cauchemardesque. Je n’en voyais pas le bout et il fallait pourtant aller de l’avant : Charger le décor dans un petit bus qui nous amène à un grand bus, expliquer aux responsables de l’agence qu’il est hors de question que nous laissions le décor dans la soute et que nous voyagerons avec, éviter que les porteurs soulèvent la structure par ses parties fragiles et une fois assis, supporter ses vagues successives qui vous tapent dans le crâne…

Nous sommes partis à 5h de l’après midi et nous devions arriver à Surabaya à 5 heure du matin. Le bus passait de Bali à Java en montant sur un ferry sans nous faire descendre. Durant cette nuit, entre sommeil et somnolence, nous quittions « l’île des Dieux » pour gagner Java la mystique, Java la musulmane, Java la plus peuplée de toutes les îles d’Indonésie. Plus le bus avançait, plus les voix des muezzins se faisaient entendre, les « hijab » apparaissaient sur les visages féminins et une urbanité plus dense se dessinait derrière les fenêtres du bus. Nous pressentions que Surabaya ne seraient pas une étape évidente : Nous avions à peine une semaine pour découvrir un nouvel environnement, faire trois workshops, former un nouveau technicien pour le spectacle et jouer « Imago ».

Pour la première fois du voyage, je me suis senti découragé et fatigué nerveusement. Heureusement, la villa hollandaise où se trouve le Centre culturel Français nous offrait un cadre confortable où nous pouvions avoir un espace à nous avec une petite cuisine. Nous nous sommes empressés de faire des pattes au beurre-emmental acheté en hâte au Carrefour d’en face (Carrefour est très présent en Indonésie).

Malgré cela, cette baisse de moral et cette migraine tenace ne m’ont pas quitté pendant les trois premiers jours et gagnait même Sandrine qui commençait à sérieusement s’inquiéter de ne pas avancer la Licence laissée en friche depuis le départ. La ville n’arrangeait pas les choses. En fait, Surabaya n’est pas une ville, c’est un monstre qui n’offre aucune porte d’entrée à visage humain. Je pensais à cette illustration du Léviathan figurant sur la première édition du livre de Thomas Hobbes. Ce dernier avait eu l’intuition géniale de définir l’Etat comme une personne à part entière mais avait décrit son corps comme l’agglutinement d’hommes et de femmes… Cela me faisait aussi penser aux dessins de Miyazaki et surtout le « Voyage de Chihiro ». Je revoyais cette scène où des monstres errant venaient se laver dans des grands bains publics pour démons et esprits. Durant leur lavement, un des monstres vomit des voitures rouillées, des morceaux de motos, des papiers usagers. Les bains publics étaient littéralement débordés par ce tas d’ordures jusqu’à ce que ce monstre se révèle être un des esprits de rivière trop polluée. L’indigestion industrielle l’avait transformé en démon malheureux. Juste à côté du CCF, des habitants pêchent à la ligne dans des eaux qui sortent à peine de turbine d’usine…

Le premier regard des habitants n’est aussi pas très invitant. Surabaya n’est pas une ville touristique, c’est le plus grand port d’Indonésie où la prédominance commerciale fait que les riches sont très riches et les pauvres sont légions. « L’armée de réserve du lumpenprolétariat» dont parlait Marx prend ici tout son sens et la dichotomie se vit sur les routes à 4 voies menant aux grands « Môles », galeries marchandes géantes qui occupent des immeubles entiers. Il y en a une dizaine à Surabaya et il y en a aussi qui n’ont jamais été finies faute d’argent. Deux cadavres de béton et d’acier aux formes architecturales osées se dressent face au Centre Culturel. Trop cher de les détruire, trop singulier pour les racheter, ils resteront là sûrement des dizaines d’années. Là aussi, on comprend mieux la réalité de ce qu’est l’argent des bulles spéculatives qui éclatent comme des bulles de savon, l’argent des financiers et des sociétés écran, l’argent des gens qui jouent au Monopoly planétaire. Que devront payer les hommes et femmes nés sur cette case ?

Sandrine aussi est affectée par les premiers aspects de Surabaya. Son corps de femme est regardé comme un objet, de haut en bas, sans gêne et sans retenu. Toujours cette conception de l’Islam puritain pour lequel la femme occidentale est profondément décadente. Quelle hypocrisie et quel déni de mémoire ! Dire que Java avait développé au XVIIIème siècle une forme d’Islam tolérant et qui avait intégré l’héritage tantrique pour lequel l’acte sexuel était comme une prière, une voie pour atteindre l’unité du Très Haut. Dire qu’aujourd’hui, ces mêmes personnes qui dévisagent mon épouse vont se rendre plus tard au plus grand bordel d’Asie nommé « Dolly ». Sur l’exemple du quartier de la lanterne rouge d’Amsterdam, ancienne capitale coloniale de Java, un vaste quartier s’est organisé sur trois rues avec des jeunes femmes en vitrine et leur prix affiché en gros. Il paraît même que le prix est divisé par deux le jour de la fête de l’indépendance de l’Indonésie !

Autant vous dire que nous sommes restés un peu repliés sur nous-mêmes les trois premiers jours et il a fallu toute l’hospitalité de l’équipe du Centre Culturel pour désamorcer notre malaise et notre fatigue. Je dois avouer qu’ils ont bien réussi à nous faire quitter notre amertume. Malgré ses obligations nombreuses, Christian Gaujac, en poste comme Consul et comme Directeur du centre, s’est toujours assuré de notre bien-être. Sophie, la responsable de programmation a su désamorcer mes inquiétudes concernant la scène extérieure où nous devions jouer. L’endroit était certes très beau avec le jardin et un grand banian qui se dressait derrière la scène mais les pluies journalières auraient mis en péril la blancheur de nos draps et nous auraient épuisés en montage-démontage à chaque caprice du ciel. Sophie tenait à ce qu’on joue à l’extérieur mais face à mes grimaces, elle n’a pas insisté et nous a mis à disposition l’espace de la galerie où elle n’a pas hésité à déplacer une expo-photo à peine accrochée.

En fait, pour la première fois du voyage, nous avions vraiment l’impression d’être considérés comme des « artistes-invités » et il ne fallait pas déplacer terre et mer pour faire comprendre nos raisons. Ainsi, toute l’équipe a vraiment été à l’écoute et au bout de trois jours, nous commencions à trouver nos nouvelles marques dans le centre mais aussi dans cette ville qui nous apparaissait si impraticable. Il nous fallait juste des guides… Nous les avons trouvés dans la personne de Pierre-Benoît, un stagiaire d’école de commerce qui secondait le Directeur et Aan la bibliothécaire. Ce duo improbable nous a fait découvrir la vie surabayenne. Celle-ci se fait en Taxi et consiste principalement à dénicher les endroits où on mange bien et où l’ambiance est sympa. Aan est une indonésienne ayant tellement intériorisée l’humour et les références françaises qu’elle nous fait mourir de rire. En même temps, elle n’a rien perdu de son identité et nous avons eu la chance d’entrer dans Surabaya par la porte de son regard tout à fait unique. Le quatrième jour, je me suis même hasardé seul dans la ville à la recherche d’une banque et j’ai pris plusieurs « bémo », moyen de transport local où tout le monde est entassé dans des minuscules bus. C’est dans cette proximité que j’ai vraiment senti les gens de Surabaya, l’âpreté de leur quotidien mais aussi leur honnêteté dans les échanges et cet intérêt spontané pour le nouveau venu. Le filtre touristique en cours à Bali n’était pas de mise ici, nous étions « les autres » mais pas forcément hostiles.

Toutefois, ce qui nous a tout a fait sorti de notre phase de repli fut les workshops. Comme nous avions en face de nous des étudiants apprenant le français, nous avons choisi d’axer le travail sur le théâtre et non sur la marionnette. Sandrine n’avait pas à se creuser les méninges, c’était à mon tour de mettre à l’épreuve mon récent diplôme d’état d’enseignement théâtral… J’imaginais alors de les faire travailler sur la matérialité de la parole avec des mots ou des fragments de texte qu’il s’agissait d’investir avec la voix et le corps. Pour les plus avancés, je découpais « le corbeau et le renard » en dix huit fragments et les distribuais aux dix huit participants. Ils devaient se promener dans l’espace et dire le fragment chacun à leur tour sans que le poème soit dans l’ordre. Chacun était une pièce du puzzle et ils devaient le restituer en poème.

Pour les groupes moins avancés dans l’apprentissage de la langue, j’attribuais à chacun un adjectif auquel il devait donner une expression corporelle en répétant le mot. C’était très rigolo de voir l’interprétation de chacun. Surtout, nous découvrions avec Sandrine l’extrême générosité de ces jeunes et leur hilarité constante qui rendait chaque séquence joyeuse. Je me rendais compte à quel point l’amusement était une matière précieuse dans le travail théâtral, il désamorçait la honte, la moquerie malveillante et permet des audaces corporelles inattendues de la part de personnes peu coutumières de la scène. L’énergie était ainsi très bonne et cela m’a permis de faire « le plein ». Je finissais les séances en plaçant les participants en 2 lignes face à face et en leur donnant la consigne de se croiser en se disant « au revoir » en Français. Ils se sont quittés comme ils sont arrivés : en riant…

La semaine s’accéléra ainsi d’un coup et le jour de la représentation aussi. Nous devions former le nouveau régisseur mais celui-ci était retenu dans sa famille jusqu’au jeudi matin et nous jouions le vendredi. Les deux sillons d’inquiétude se sont à nouveau creuser au dessus de mes sourcils… J’étais à deux doigts de payer le billet d’avion à David pour qu’il fasse un saut de puce depuis Bali… Mais la page balinaise était tournée, il ne fallait pas céder à la panique. Tous les membres du Centre culturel m’assuraient que M. Anto était quelqu’un de très appliqué qui se trompait rarement. Toutefois, ils finissaient tous leurs propos par un : «… quand il a bien compris, il fait bien. » et cela ne me rassurait qu’à moitié. Nous avons passé toute la journée de jeudi à expliquer et à montrer tous les lancements lumière et musique du spectacle. J’avais l’impression d’être un Sisyphe roulant éternellement une même pierre nommée « technique ». M. Anto était un indonésien quinquagénaire très gentil et très appliqué mais qui n’avait ni la vivacité, ni la réactivité de David. Le moment le plus critique fut le vendredi matin lorsque nous lui avons demandé de parcourir à nouveau tous les lancements vus la veille et que plus rien ne subsistait… De nouveau, on a roulé la pierre et à notre grande surprise, la générale fut un quasi sans fautes. M. Anto semblait avoir compris et nous avons pu prendre du repos avant de jouer.

La suite dans un second article pour pas trop affoler l’ordi par le nombre de photos…

 

 

Une semaine à l’Institut Seni Indonésia

Posted in art, indonésie, marionnette, ombre, spectacle vivant, théâtre, voyage on 4 Mai 2010 by theatreimago

Comme vous l’a précisé Rémi dans notre dernier article, après une semaine de détente, il nous fallait nous remettre au travail pour préparer notre workshop avec les étudiants de l’université de l’ISI (Institut Scénique Indonésien). Après une longue discussion concernant le thème de notre atelier et la manière de l’organiser, nous nous mettons d’accord sur le fait que nous souhaitons poursuivre avec les étudiants notre interrogation sur les différents types de métamorphoses et sur la manière de l’exprimer à travers le spectacle vivant. Avec Imago, nous interrogeons la métamorphose de plusieurs manières comme par exemple la métamorphose du comédien sur scène, la métamorphose des sens, des émotions mais également le changement et l’évolution de la scénographie, des matières….

J’ai eu envie d’axer plus particulièrement le workshop sur le questionnement des « sens ». L’étape de métamorphose se faisant bien souvent dans un espace clos, un cocon, une chrysalide, j’avais envie que les étudiants pénètrent dans un espace pour développer un imaginaire. Pour cela, j’ai proposé à Rémi la réalisation de différentes boites dans lesquelles les participants pourront glisser leur main, les yeux bandés. Nous inviterions ensuite les participants à imaginer qu’à travers ce ressenti, ils peuvent imaginer le cocon qui les entoure et créer l’être qui va en sortir. Nous leur laisserions ensuite choisir la forme de représentation qu’ils souhaitent utiliser pour exprimer leurs premières sensations à travers le masque, la danse, le théâtre, la marionnette, l’ombre …

Afin de diversifier le travail et sachant que nous voulions faire travailler les étudiants en groupe, il nous a semblé intéressant de proposer plusieurs boites pour avoir des propositions et des axes de recherche différents. La recherche des matières à utiliser et la fabrication des boites nous a pris tout le week-end mais nous étions contents de passer ce moment de recherche ensemble. Il fallait nous voir dans le grand magasin « Robinson » à tourner et retourner dans les rayons cherchant nos matières ou encore dans notre chambre d’hôtel transformée en atelier de bricolage…

Afin de vous faire rentrer dans la confidence, en voici leur contenu :

  • Une boite avec des fils de fer entortillés pour nous permettre de travailler avec une matière moderne, froide au touché et rappelant une cage, un enfermement,
  • Une boite avec des ficelles et de la laine entrecroisées et des parties molletonnées rappelant le confort d’un cocon, d’un espace douillet et en même temps dans lequel il est difficile de se mouvoir,
  • Une boite avec des graines de tailles différentes rappelant un espace granuleux, minéral et également permettant de travailler sur une notion d’espace trop plein, amovible au contact de la main,
  • Enfin, une boite avec de l’eau et des morceaux gélatineux pour travailler l’univers aquatique, visqueux.

Une fois nos boites prêtes, David et Natacha nous ont rejoints pour nous aider à les transporter jusqu’à la maison d’Audrey. Là aussi, vous auriez dû nous voir sur nos mobylettes complètement surchargées avec des boites les unes empilées sur les autres. Si nous n’avions pas vu les Vietnamiens et les Indonésiens faire des transports hallucinants, nous n’aurions jamais osé transporter des objets aussi encombrants sur notre petite mobylette. Mais je vous assure que quand on a vu un vietnamien porter sur son vélo en même temps une armoire, deux chaises, une table basse, tout vous semble possible !

Dès le lendemain matin, nous nous rendons à l’université pour découvrir notre nouvelle salle de représentation. Nous découvrons une salle et une scène immense avec une importante capacité d’accueil. Rémi et David sont très heureux à l’idée de pouvoir installer une technique lumière un peu plus importante qu’à Tampak Siring. Ils seront très vite déçus en découvrant qu’ici, on ne déplace pas les projecteurs et qu’on ne modifie pas le programme lumière une fois qu’il est installé. Après une grande négociation, Rémi réussira tout de même à faire installer quatre gros projecteurs de 1000 watt pour les faces chaudes et froides de notre spectacle.

Quand à moi, je suis un peu inquiète par rapport à la visibilité des marionnettes car les sièges sont très éloignés de la scène. Très vite, nous décidons de remanier la salle en rapprochant le plus possible les chaises de la scène. Cependant, nous n’avons pas vraiment pu faire comme nous le souhaitions car il convient de respecter certains codes ici et notamment en laissant le premier rang pour les « gurus » (les professeurs et personnes importantes). Nous étions un peu désemparés à l’idée de laisser ce premier rang de fauteuils bien confortables avec tables basses privatives, laissant les enfants derrières sur de grandes chaises et ne voyant pas grand chose… mais nous devons respecter le protocole.

Pendant toute la journée, nous installons notre espace de jeu et nous apprenons à découvrir cette salle en compagnie de David et Natacha. Natacha se lance dans un grand reportage photo sur notre installation…

L’heure de représentation s’approche, la salle est assez vide mais nous ne sommes pas très inquiets car nous avons l’expérience de Tampak Siring. A 19h, nous nous installons dernière notre écran maquillés et prêts. Là commence alors une attente interminable… Une demi heure d’attente du public et presque un très gros quart d’heure de discours sur le spectacle avec 3 interventions différentes : Audrey, le responsable du département marionnette et la présentatrice de l’université. Il fallait nous voir les jambes tremblantes, le maquillage dégoulinant sous la chaleur et la pression montante en attendant enfin notre tour … Puis le spectacle a enfin commencé. Nous retrouvions nos marionnettes, nos musiques, nos mouvements et prenions beaucoup de plaisir à jouer devant les étudiants marionnettistes. Une fois l’arbre peint en encre de chine, nous avons eu un gros problème technique : un noir total pendant 6 minutes. Même si je viens de Marseille, ces 6 minutes ne sont pas exagérées (nous avons un enregistrement vidéo qui en témoigne …) Six minutes d’impressionnant silence du public et surtout de grand vide pour David, Rémi et moi. Nous étions déconcertés par le manque de réaction des techniciens du lieu. Puis la lumière est revenue, nous avons repris le spectacle et là nouveau problème (en tout cas problème non résolu) car la lumière s’éclairait, puis s’éteignait, s’éclairait, puis s’éteignait …. Plus tard nous apprendrons qu’en fait le compteur disjonctait et un technicien le rebranchait dès qu’il sautait… jusqu’à ce qu’il découvre d’où venait le problème et donne les bonnes indications à David …

J’avoue qu’on était à deux doigts d’arrêter le spectacle, mais nous avons tenu bon, nous avons poursuivi comme si de rien n’était et nous avons bien fait car nous n’avons plus eu aucun problème par la suite. Le spectacle a été apprécié du public et des professeurs, nous avons eu leurs félicitations et leurs encouragements. Ils semblaient avoir été touchés par notre problème technique et nous ont bien précisés que cela n’avait pas eu d’impact sur la qualité du spectacle. Ces retours étaient très importants pour nous car il s’agit de regards professionnels et même si nous n’avons pas échangé longtemps, l’insistance des regards droits dans les yeux en disait beaucoup …

Nous achevions nous première étape de travail de la semaine. Le lendemain le workshop commençait et prenait la forme d’un nouveau défi pour nous.

Premier jour de stage

Dès le lendemain matin 9h, nous attaquions notre workshop dans la même salle que celle de la représentation d’Imago.

L’arrivée des participants se fait un peu au compte goutte, par conséquent, nous avons un peu du mal à faire démarrer le stage. Finalement, nous nous mettons en cercle sur la scène et nous faisons connaissances avec les différents participants. A notre grande surprise, nous découvrons des participants bien différents de ce que nous avions pu imaginer. Nous n’avions pas uniquement des étudiants de l’université, mais également des marionnettistes en activité, un chauffeur de taxi, une enseignante en danse indienne, un père qui a repris ses études pour prouver à son fils qu’il est encore capable de l’étonner … En tout, ils sont une vingtaine ce qui nous fait bien plaisir car nous n’avions pas vraiment d’idée du nombre de participants.

Nous présentons le déroulement des quatre jours de stage et la manière dont nous envisageons de travailler. Nous précisons également aux participants qu’à la fin du stage, il y aura une présentation publique de leur travail et que nous les invitons à être présents pendant l’intégralité du stage pour préparer cette présentation dans les meilleures conditions possibles.

Rapidement, nous constituons 4 groupes pour répartir les étudiants autour des boites. Nous leur bandons les yeux et nous leurs demandons de glisser délicatement leur main dedans. Ce passage était très émouvant pour moi et également très marrant. Certains avaient peur du contenu des boites et n’osaient pas glisser leur main trop profondément, d’autres y allaient franco, puis s’arrêtaient un instant un peu surpris, interloqués, d’autres explosaient de rire au contact des matières … Ensuite, nous leur avons demandé de dessiner et d’écrire ce premier contact avec les boites de manière individuelle, puis de manière collective au sein de chaque groupe. Nous sentions déjà de nombreuses interrogations concernant cet exercice. Les participants semblaient pour la plupart perdus face à notre proposition… mais nous restions confiants dans le déroulement du stage.

Nous les quittons en leur demandant de revenir le lendemain avec un début de proposition et pourquoi pas certaines matières susceptibles de les aider dans la construction scénique de leurs ressenti.

Deuxième jour de stage

Le lendemain, nous étions satisfaits de voir que les participants étaient presque à l’heure… Rémi leur propose un travail d’échauffement basé sur la respiration et l’écoute de ses partenaires. C’est très amusant de voir Rémi poser sa main sur le ventre de certains participants, leur demandant de se concentrer les yeux fermés sur leur respiration, les petits mouvements de leur corps et les bruits autour d’eux. Il faut savoir que nos participants sont vraiment très difficiles à canaliser et à calmer. Ils sont survoltés et n’arrivent pas à rester concentré bien longtemps. Il s’agit donc d’un véritable défi pour Rémi mais qu’il relève avec beaucoup de patience.

Ensuite, Rémi propose un travail d’équilibre de plateau où les participants doivent se mettre à marcher en occupant tout l’espace du plateau sans créer de vide. Cet exercice est également difficile à mettre en place et les participants ne prennent vraiment du plaisir que lorsque Rémi demande à l’ensemble du groupe de reproduire les mouvements et les sons d’un meneur. Très rapidement, les participants se mettent à reproduire des mouvements typiques de danse balinaise ou de « topeng » (theatre de masque). Cela nous fait bien rire, il y a une véritable énergie sur le plateau !

Ensuite, les groupes proposent les uns après les autres une première forme de recherche. Sans rentrer dans le détail des propositions de chaque groupe, j’ai bien envie de vous faire partager la réflexion du groupe qui a eu la boite avec les éléments aquatiques. Ils ont retrouvé dans les matières de la boite les éléments des « quatre frères ». Cela est un mystère pour nous mais Audrey, qui se charge de la traduction du stage, nous explique qu’à Bali, à la naissance d’un bébé, les parents conservent dans une boite le liquide amniotique, le placenta, le corps jaune et visqueux autour du placenta et le cordon ombilical. Ils enterrent ensuite cette boite dans le jardin de leur maison. Ces quatre éléments sont appelés les « quatre frères » et ils seront présents toute la vie du nouveau né et notamment dans ses prières. Ainsi, l’eau, la gélatine, le plastique de notre proposition les ont directement renvoyés à cette coutume. Rémi leur propose alors de travailler sur la représentation de ces quatre éléments sur le plateau mais également de travailler sur la représentation du nouveau né. Ce deuxième jour de stage était très intéressant et nous faisait vraiment prendre conscience de la rencontre entre deux cultures.

Le soir nous passons une très agréable soirée avec l’ancien professeur de batterie de Rémi et l’ancien directeur de l’espace sport et culture de Gémenos, Roger Cot. Il s’agit pour moi d’une première rencontre vraiment très plaisante et l’évocation de notre petite ville me fait beaucoup de bien au bord de sa piscine… C’est un drôle de monsieur (dans tout les sens du terme), touchant et qui relève le défi d’avoir tout quitté la tête haute avec beaucoup de courage et de passion.

Troisième jour de stage

De mémoire, cette journée a été la plus éprouvante pour nous. La veille de la représentation, il convenait d’avancer concrètement sur les propositions des participants mais leur dispersion dans le travail devenait de plus en plus ingérable : téléphone en plein échauffement, distribution de carte de visite entre eux, grignotage en permanence, entrée et sortie de scène, présence de certaines personnes extérieures au stage commentant le travail sur le plateau, jeu sur les instruments de musique en place, blague un peu enfantine sur la présence de 3 françaises au stage (Audrey, Ophélie une étudiante de Dijon en formation pour un an à Bali et moi …).

Je pense que ce qui nous a le plus décontenancé, c’est surtout le fait que le travail que nous avions effectué la veille avec le groupe de la « boite de ficelle » n’avait abouti à rien. En effet, la proposition n’avait plus rien à voir avec la veille… Cela nous inquiétait particulièrement car nous sentions l’échéance arriver et le travail stagner.

Heureusement, après cette journée pénible, nous avons pu nous détendre toute la soirée à Ubud avec David et Natacha. Nous nous sommes retrouvés là bas pour voir un spectacle de « kecak » et de transe. Il s’agit dans la première partie du spectacle d’un chœur d’hommes positionnés en cercle et chantant des musiques balinaises puis en seconde partie d’une transe où l’un des chanteurs marche sur des braises de noix de coco. Un spectacle vraiment impressionnant qui nous a permis de mieux comprendre l’énergie de nos participants.

Dernier jour et présentation du stage

Nous nous sommes retrouvés trois heures avant la représentation. Il s’agissait de la préparation finale. Nous avons eu de nouveau de grosses surprises quant à la proposition du groupe de la « boite ficelles » car elle changeait de nouveau profondément de sens. Heureusement pour nous, elle allait dans le bon sens ! Et nous avons découvert avec un grand soupir une proposition vraiment intéressante de danse sur le thème de l’emprisonnement d’un oiseau, de ses tentatives d’envol et de la manière dont il narguait les éléments de son nid qui finalement le rattraper et le ré-emprisonner pour le punir de son orgueil.

Finalement à l’exception de la proposition d’Ophélie (boite avec les éléments en métal), nous n’avons pas eu beaucoup de propositions de marionnettes, mais plus des recherches sur la danse et sur le corps de l’acteur. Je vais arrêter de vous en parler plus et je vais laisser découvrir les photos de la représentation afin de vous permettre d’en apprécier le résultat.

Juste pour conclure, j’ai envie de dire que cette expérience d’échange nous a particulièrement éprouvés mais dans le bon sens du terme. Elle nous a vraiment donné l’occasion de vivre un échange entre deux approches de la pratique du spectacle vivant. Il est nécessaire de ne pas vouloir tout maitriser et surtout de croire en la grande capacité d’improvisation des balinais. Certes, les exigences des metteurs en scène occidentaux se justifient et je pense qu’il est dommage que les participants ne se soient pas plus laissé faire par les conseils de Rémi, mais je pense qu’à Bali ce type de travail est vraiment difficile à mettre en place et qu’il convient d’une certaine manière de le respecter.
Sandrine

 

 

Confirmation du Festival International de Hué !

Posted in art, indonésie, marionnette, ombre, spectacle vivant, théâtre, voyage on 22 avril 2010 by theatreimago

Bonjour à tous,

Juste un petit billet pour vous informer que le service culturel de l’ambassade de France à Hanoï ainsi que le Théâtre National du Vietnam ont confirmé par écrit leur souhait de programmer « Imago » en juin prochain.
C’est la première fois qu’une création de Désaccordé fait l’objet d’une telle reconnaissance et nous souhaitons nous appuyer sur cette reconnaissance nouvelle pour permettre à Désaccordé de passer un cap.
En effet, depuis trois ans, nous fonctionnons en auto-financement grâce à la grande générosité de nos adhérants et grâce aux finances personnelles de notre couple alimentées par un travail à temps plein aux Pages Jaunes pour Rémi, à la Société Générale pour Sandrine.
Ce modèle économique n’est bien sûr pas viable à long terme et nous devons déclencher des soutiens financiers qui pérennisent l’aventure, nous libère de nos CDI respectifs et nous permettent de nous consacrer pleinement aux activités de création et de formation.
Pour permettre à l’association de passer ce cap de la professionnalisation, il faut que les bonnes nouvelles fassent boules de neige, qu’elle soit diffusée auprès de responsables de collectivités territoriales, d’élus, de responsables de la vie économique.
La survie de Désaccordé passera par des ventes de spectacle auprès des collectivités territoriales, par des conventions de mécénats auprès d’entreprises et par des co-productions auprès des institutions culturelles.
Même si chacun n’a pas ce pouvoir décisionnaire, il peut en parler à quelqu’un qui en parle à quelqu’un qui en parle à quelqu’un…
Vous connaissez l’histoire des petits ruisseaux…
Si vous voulez plus de renseignements sur la compagnie, sur sa démarche et sur les possibilités de conventionnement, vous pouvez joindre Cécile en France qui veille sur la « maison » ou bien vous pouvez nous écrire par mail.

Je profite aussi de ce message un peu téméraire pour remercier encore une fois toutes les personnes qui soutiennent actuellement la compagnie, c’est à leur soutien que nous devons cette nouvelle aventure vietnamienne.

Enfin, vous trouverez ci dessous les lettres d’invitation ainsi que la revue de presse de notre étape balinaise, nous n’avons pas eu le temps de la traduire mais nos correspondants balinais nous ont assurés qu’elle était sympa…
Je vous prépare un billet vous racontant cette étape plus dans les détails.
Bise à tous depuis Yogyakarta sur l’île de Java.
Rémi


press_review_imago

Hati, hati, Hari jumat, Perancis Wayang ! (attention, attention, vendredi, des marionnettes françaises ! ) Tampak Siring Episode 2

Posted in art, indonésie, marionnette, ombre, spectacle vivant, théâtre, voyage on 10 avril 2010 by theatreimago

Une semaine, c’est bien court… A peine avions nous fini l’atelier de marionnettes, à peine fallait il penser à tous les aspects pratiques de la représentation du vendredi. Faire vite une petite affiche de communication, découvrir la scène et ses possibilités techniques, inventer une régie avec le matériel qu’ils vendent sur place, former David au spectacle et retrouver nos propres marques dans un spectacle que nous n’avions pas joué depuis décembre… Généralement, dans ce genre de situation, deux sillons se creusent alors sur le haut de mes sourcils et je sais qu’ils ne se relâcheront qu’après le spectacle. Etre concentré et anticiper les actions avec quatre coups d’avance dans un environnement inconnu… Avec Sandrine, nous décidons de commencer par la faisabilité technique et la communication avant de repenser au jeu. Sandrine nous concocte une belle petite affichette sous les compliments appuyés du directeur de l’école, Hamid, qui ne manque pas une occasion de poser avec elle sur les photos. Pendant ce temps, je retourne à Tirta Empul mardi pour revoir le « Wantilan » (nom des lieux de représentation généralement accolés aux temples).

Une fois de plus, nous étions bien tombé : le lieu était suffisamment grand (16m sur 16 m) et assorti de nombreuses prises électriques tous les deux mètres. Face au Wantilan, une superbe villa hollandaise nous surplombait du haut d’une colline à la pelouse verdoyante. Cette villa fut construite par Sukarno dans les années 60 pour vivre ses amours avec ses nombreuses femmes. Même si Sukarno est destitué depuis 1967 et mort depuis, les locaux l’appellent toujours « Rumah sukarno ».

Juste à côté du Wantilan, se trouve le temple de Tirta Empul avec ses sources sacrées. Près de 20 jets se déversent dans deux bassins grâce à un système de canalisation datant du XIIème siècle. Chaque jet a sa signification. Seuls deux jets sont à éviter, ils correspondent à des événements particuliers : un décès, une maladie grave. Les sculptures autour des deux goulots se distinguent nettement par des formes plus imposantes. Même si le spectacle prenait beaucoup de place dans ma tête, j’ai voulu prendre le temps de ce rite généralement pratiqué par les locaux et les pélerins. Pour les hindouistes, il n’y a aucun problème à ce qu’un étranger pratique les mêmes gestes, l’eau est pure pour chacun. Dewa, Jéro et David m’accompagnent et nous voilà revêtus des sarongs d’usage. Nous pénétrons dans les bains et la procession devant les jets débutent. Des familles entières sont là pour baigner les enfants, la grand-mère, la mère, la sœur, le Père… il est convenu de baigner sa tête sous le jet à trois reprises et d’amener l’eau à sa bouche trois fois tout en faisant des vœux pour ceux que l’on aime. Parfois, nous attendons longtemps avant d’atteindre le jet car une personne prie plus longtemps. Durant l’attente, les enfants grelottent alors sous l’effet de cette eau fraîche. Arrivés au jet, certains pèlerins prennent le goulot entre leurs deux mains et pratiquent un mouvement de va et vient de leur tête presque violent. Je n’entends pas de mantras, l’incantation est intérieure. Je me sens bien dans ce baptême hindouiste. Déjà, la veille, nous étions allés à une cérémonie du quartier juste à côté de la maison. Le son du gamelan, le banquet d’offrandes, les danses des guerriers et des princesses nous avaient conduit tout naturellement au moment final de la prière où les balinais nous ont invités en nous donnant rapidement des fleurs pour que nous fassions les mêmes gestes. Le prêtre est venu, trois fois sur la tête, trois fois l’eau à la bouche. Sandrine était tout étonnée de participer à une prière pour la première fois de sa vie. Après le bouddhisme thaïlandais, le confucianisme vietnamien, l’étape balinaise était sous le grand patronage de Visnu. Ce voyage de religion en religion m’a permis de comprendre à quel point l’hindouisme est une des seules à utiliser aussi ouvertement les arts de la scène dans ses rites. A l’école de Sandie, tous les jeudis matins sont consacrés à l’apprentissage des danses traditionnelles. De même, trois fois par semaine, les hommes se réunissent le soir pour répéter les mélodies du gamelan. La représentation collective d’un acte « artistique » fait partie du quotidien de chacun.

Ce caractère rituel omniprésent m’a fait repenser aux sources grecques du théâtre : les représentations dédiées à Dionysos. En France, cette source religieuse du théâtre restait un peu comme un chapitre de mon cours d’histoire dont la réalité est à jamais perdue. Ici, cela devient concret dans ma tête et je m’aperçois à quel point la dimension rituelle change tout dans le rapport à l’acte artistique. A l’exception des lieux touristiques très rémunérateurs, les balinais ne jouent pas pour un public, ils jouent pour d’autres raisons. Le soir de ma baignade sous les jets sacrés, nous avons assisté à une autre grande cérémonie du quartier. En l’espace d’une heure, divers éléments très disparates se sont agrégés sous nos yeux et un chaos indescriptible s’est construit lentement : D’abord, il y a le « gamelan » composé de xylophones dont la vibration est assurée soit par des grosses lames de métaux, soit par des sortes de bols renversés. Cet orchestre uniquement composés de percussions métalliques réunit près de 25 musiciens tous issus du quartier un peu comme nos anciens orphéons municipaux. Le son de la « fanfare gamelanesque » est magique : Pour éviter la saturation des sons, les musiciens arrêtent la vibration des métaux avec leur main dès que le marteau a créé le son. L’ensemble donne l’impression d’être dans une grande forge harmonique rythmée par des cadences aux cycles irréguliers et toujours harmonieux. Des accélérations et des montées en puissance soudaines se gravent alors dans votre corps d’une manière profonde, presque inconvenante. Le son du gamelan est une porte vers le moment rituel. Dans un coin près du gamelan, deux acteurs préparent à revêtir leurs masques « topeng ». Le second élément du chaos se met alors en place. Les acteurs débutent leur succession de saynètes tantôt dansées tantôt parlées en changeant souvent de masques. Le gamelan se connecte à leur jeu et je remarque que chaque apparition de masque fait l’objet d’une accélération brutale du rythme. C’est alors que nous percevons très clairement le lien existant entre le gamelan et les postures physiques des danses balinaises : Les pieds ouverts à 180 °, les bras soulevés en forme d’angle permettant aux mains de s’exprimer pleinement grâce au mouvement d’un doigt, des têtes montées sur roulement à bille qui effectuent des mouvements de droite à gauche soudains. Avec des moments de quasi immobilité ou seul une partie du corps bouge et des changements de postures violentes et soudaines, la danse balinaise est un curieux mélange d’hiératisme et de violence. Tandis que les deux masques poursuivent leur jeu sur un tout petit espace sans faire l’objet d’une très grande attention de la part de l’auditoire, le troisième élément du chaos débute. Sur une petite scène entre le banquet d’offrandes et les deux masques topeng, un dalang sort les marionnettes d’ombre, en plante quelques unes dans un énorme tronc de bananier et commence à en faire parler d’autres accompagné par le son de deux petits xylophones qui jouent en même temps que l’autre grand gamelan. Cela se passe dans l’indifférence la plus totale. Dans le même temps, un quatrième élément vient s’ajouter : les danseuses se mettent en place pour effectuer leur chorégraphie puis un groupe d’anciens commencent à chanter dans un micro des prières puis des femmes s’assoient entre les offrandes et les deux masques topeng et chantent à leur tour des mantras. D’autres discutent le « bout de gras » comme au marché. Le chaos est constitué et il dure près d’une heure.

Dans ce chaos, la notion de jouer pour un public était totalement absente, ils jouaient dans un autre but : ils réactivaient des forces, ils participaient à un univers plus grand qu’eux. Dès ce soir là, nous savions que nous jouerions « Imago » dans des conditions de brouhaha et de mouvements perpétuels, nous savions que nous devions nous mettre en tête de jouer Imago pour Imago lui-même, pour réactiver ce en quoi il participe au monde. Même si personne ne venait, nous étions dès lors persuadés qu’il fallait que nous jouions comme ce dalang qui jouait le Ramayana sans être regardé excepté par Sandrine qui cherchait en vain le pourquoi du secret. Pour ma part, c’est le degré de chaos qui me fascinait. Toute cette douceur du jour, cette lenteur du quotidien, ces efforts méticuleux des offrandes se renversaient le soir venu pour un court instant de défoulement. Je pensais alors à la puissance que devait revêtir la tragédie quand elle avait toute sa dimension rituelle. Je pensais à tout cet effort poétique dédié au chaos, à la mort d’Hyppolite terrassé par les monstres de Poséidon, au suicide de Phèdre, au suicide du Roi Majapahit, ce roi javanais qui provoqua un vaste suicide collectif lorsqu’une prophétie annonça la chute de son royaume et l’avènement de l’Islam sur sa terre. Le reste de sa cour fuît vers Bali faisant de cette île cet oasis hindouiste. Beauté et Chaos

Ce tout autre rapport à la représentation a créé aussi des moments comiques lorsque nous avons demandé à poser des affiches au Wantilan. Les trois gardiens chargés des vestiaires pour les pèlerins ont regardé l’affiche avec beaucoup de méfiance et la délibération assez vive fut suivie d’un « tidak » (non) assuré comme si le choix de refuser était profondément bon. Nous nous sommes contentés alors de poser notre petit format A4 sous le Wantilan persuadé que personne ne le verrait… Tracter parmi les familles du quartier était aussi une belle expérience. La traduction de marionnettes et de théâtre se confond sous le terme générique de « Wayang ». Sandrine et moi n’avions vu ce terme que dans les magnifiques livres sur les marionnettes asiatiques et cela nous faisait tout drôle d’entendre Dewa expliquer que nous étions des « dalang » (terme généralement utilisé pour les maîtres de marionnettes) et que nous allions faire du « Wayang ». Tout de suite, nous précisions que c’était du « perancis wayang » (marionnette française) et même cela nous intimidait tant nous ne sommes pas représentatif des pratiques françaises. Bref, à un moment, il faut quitter les préventions du monde culturel français avec ses dossiers, ses cloisons et ses légitimités pour redevenir simples. Qu’étions nous venus chercher ici sinon l’essentiel ? La devise des compagnons du tour de France que mon grand père répétait souvent me revenait alors en tête : « tout est compliqué avant d’être simple ». Je crois qu’il faut marcher loin avec sa pratique pour le comprendre.

« Simple », c’est vrai qu’il fallait faire simple si on voulait jouer trois jours après. Mais comme d’habitude, la dimension technique compliquait tout. Comment faire la régie d’Imago avec quatre petits projecteurs de 50 watts, deux lampes de chevet à batterie solaire, et trois lampes pour les ombres ? Comment relier tout cela à une seule personne qui pourra lancer et faire varier le tout selon la situation de la pièce ? Là encore, nous avons eu beaucoup de chance avec la présence sur place de David et Natacha, les deux volontaires français de l’école. Ayant dirigé à plusieurs reprises des colonies et des centres d’animation, tous deux savaient ce qu’une échéance signifiaient et ils nous ont offert leur semaine, leur disponibilité, leur connaissance du quartier avec beaucoup de générosité. Ils nous ont aussi permis à ce que les choses avancent en dépit de la temporalité si spéciale à Bali où les choses se font par des chemins inconnues de nous. Autant, une maison peut se construire en deux semaines grâce à une mobilisation exceptionnelle de tout le quartier, autant des petites demandes peuvent prendre des mois avant de se réaliser. Grâce à David, sa bonne volonté et sa moto, les problèmes pouvaient être pris et résolus un à un. Aller dans les quincaillerie, comparer les prix et le matériel, refaire les schémas de connexion sur un petit bout de papier, penser aux différentes séquences de jeu, accorder les prises mâles et femelles, prévoir les interrupteurs et les variateurs, ma tête bouillonnait mais à chaque moment de surchauffe, David me sortait une blague, désamorçait mon stress avec son grand sourire. Avec lui, Bali se teintait de couleurs antillaises. En deux jours, tous les problèmes de régie étaient résolus. Natacha aussi participa grandement à désamorcer le stress de Sandrine grâce à un gâteau au yaourt délicieux. Sur le sofa, Sandrine poussa un soupir de soulagement explicite. Ce gâteau eut l’effet d’une Magdeleine de Proust. Tout de suite les évocations du goûter d’enfant nous sont revenues et nous nous sommes mis à rire devant Dewa et Jéro qui ne comprenaient pas notre extase. Le soir, nous nous retrouvions devant les séries « Bintang » de la télévision indonésienne et Dewa me faisait réviser les quelques mots appris dans la journée.

La semaine passa à une vitesse fulgurante et nous sommes vite arrivés au moment de la représentation. La veille, nous avons passé notre journée au Wantilan pour laver le sol, faire tous les essais dans les conditions réelles. David notait scrupuleusement chaque indication, Sandrine retrouvait ses marionnettes et essayait l’effet du carrelage sur la mobilité de la fourmi. Une grande pluie tropicale s’abattit alors sur le wantilan et tous les visiteurs se sont réfugiés près du décor. Même pris dans mes préoccupations de metteur en scène, j’avais du mal à croire que tout ceci était réel et que nous allions jouer le lendemain.

Tout devait être démonté et rangé pour 21h si nous voulions stocker le décor dans un endroit sûr. Avec Sandrine, nous avons alors couru pour poser tous les marquages au sol et régler les projecteurs dans les conditions de nuit. A 20.30, tout était prêt pour le lendemain et nous pouvions démonter tranquilles. Une fois, le décor rentré dans sa boite, nous étions contents de la journée, nous pouvions partir sereins. C’est alors que nous avons entendu un bruit de sparadrap, nous nous sommes retournés et nous avons vu Dewa tout fier d’avoir nettoyer le sol en décollant tous nos marquages… C’est dommage qu’aucune photo n’ait alors immortalisé nos visages. Sandrine eut les pattes coupées et pour ma part, je réprimais un accès de colère en répétant à Dewa « tidak masalah » (pas de problèmes…). Je pense qu’il a tout de même bien pris conscience de sa bêtise car nous ne l’avons presque plus vu le reste de la soirée…

remi

Le lendemain accompagnée de David, nous avons remonté notre décor, en essayant le visage collé au sol, de retrouver de petites traces de sotch resté au sol. Une gymnastique du matin qui nous a bien fait rire et surtout nous a rappelé qu’ici il ne faut pas trop anticiper et laisser venir les choses. Cette journée de montage fut également une journée très vivante au temple. Nous avons vu de nouveaux défiler de nombreuses familles, des touristes japonais, coréen … Mais notre plus grande surprise fut lors de l’arrivée en début d’après midi d’un cortège de cérémonie avec plus de 200 personnes, des prêtres, de gamelans, des danseuses et des guerriers habillés dans de splendides costumes. Pendant que le cortège s’installés devant les bains et dans le temple pour la cérémonie, deux gamelans se sont installés juste devant le wantilan. Nous avons donc fini d’installer la technique avec une musique ambiance qui nous a changé de celle que nous passe généralement Loïc pour nous détendre et nous donner du cœur à l’ouvrage … Pendant notre pause, nous avons pu profité de prendre en photo les danseurs et danseuses… C’était tout simplement hallucinant de voir notre décor d’Imago en fond et la cérémonie en avant scène. Un mélange et une rencontre improbable et pourtant bien réelle.

Notre installation présente depuis deux jours dans le wantilan attirait beaucoup de regard curieux. Petits et grands venaient à tour de rôle nous demander ce que nous étions exactement entrain de préparer et se retrouvaient souvent devant notre valise à moitié ouverte, depuis laquelle on pouvait voir sortit des petits objets insolites et de marionnettes bien différente des wayang kulik. Afin de pouvoir se libérer de toutes les questions que nous suscitions et libéré un peu l’espace derrière l’écran, David a improvisé des jeux à la corde à sautée avec les enfants qui nous ont permis de les occuper pendant un bon moment et de faire rire les anciens à la vu de la douce relation que nous avons établis avec ces gamins tous étonnés d’avoir une autre relation avec des étrangers. D’habitude, muni de nombreux parapluies ils attendent l’averse et accompagne les touristes pour qu’il évite de se tremper moyennant quelques rupiah.

L’heure de la représentation est proche, nous sommes prêt : David revoit ses derniers effets lumières et sons, nous nous maquillons dans un petit coin du wantilan un peu sombre et pourtant le public se fait rare. Quelques enfants arrivent enfin vers 19 heures, heure de la représentation. Nous sommes inquiets, le bouche à oreille a-t-il bien passé ? Existe-t-il un quart d’heure Balinais ? Nous attendons inquiet derrière notre écran que David se met à annoncer le début du spectacle en Bahasa indonésia avec son micro. Le spectacle commence. Très vite, dans les 10 premières minutes du spectacle, nous voyons le wantilan s’emplire. Devant, sur les cotés, derrière l’écran du monde, du monde de partout. Notre écran prend la même place que l’écran des wayang kulik, il est aussi important de voir l’effet de l’ombre que la manipulation. Je ne suis pas habituée à avoir du monde juste à coté de moi et je me rends compte que leur présence et finalement plutôt agréable. Je ne suis plus la seule à partager mes secrets d’interventions. Nous avions peur que notre spectacle se noie au milieu du bruit et finalement, il s’est plutôt noyé au milieu du monde. Nous étions très contents de voir que les enfants balinais riaient exactement au même moment que le jeune public français. Les images que nous avons crée permettent un approche identique ce qui nous rassure profondément. Chaque apparition de marionnette est acclamée par des applaudissements ce qui nous fait intérieurement bien rire. A la fin du spectacle, le public est presque déçu que le spectacle s’arrête. Ils en veulent encore, ils auraient voulu voir d’autres marionnettes, d’autres images… Dewa nous explique que si le spectacle avait duré plus longtemps, il y aurait eu encore plus de monde car les balinais arrivent toujours progressivement, à leur rythme… On aurait presque pu faire deux représentations d’affilées pour satisfaire les retardataires.

Sandrine

Selamat Paggi semuanya (bonjour tout le monde) ! Tampak Siring Episode 1

Posted in art, indonésie, marionnette, voyage on 4 avril 2010 by theatreimago

    Je vous écris toujours depuis cette heure matinale durant laquelle Sandrine finit ces rêves et que je n’arrive plus à retrouver les miens. Depuis quelques jours, je mets cette petite heure matinale où mon esprit a de la place au service de mon apprentissage de la langue indonésienne ce qui a totalement mis en pièce mon petit rite d’écriture. Je le restaure ce matin car c’est notre dernier jour de repos avant la représentation et le stage de Denpasar, deuxième étape artistique de notre séjour balinais.

    Cela fait maintenant 14 jours que nous sommes sur « l’île des dieux » et nous y avons joué notre première représentation d’Imago vendredi dernier dans le Temple hindouiste de Tirta Empul. Ce temple est connu pour ces sources sacrées qui attirent les croyants souhaitant se purifier. Avec le temple voisin de Gunung Kawi qui date du Xème siècle, nous avons eu la chance de nous retrouver dans deux endroits très importants de l’hindouisme balinais, un lieu de grande ferveur qui connaît une affluence touristique limitée. Cela nous a tout de suite rassurés. Nous souhaitions jouer pour les balinais et nous éloigner de ce tourisme de masse dont les premières impressions ont été assez violentes.

    Le premier jour, en descendant de l’avion, nous ne savions pas où aller et nous avons voulu éviter les stations balnéaires connues pour leur affluence (Kuta, Semyniak…). Nous nous sommes donc rendus à Jimbaran que le guide nous conseillait pour son aspect encore un peu vierge. Ce que le guide ne nous avait pas précisé, c’était que Jimbaran était assez vierge du « tourisme classe moyenne » auquel notre budget nous donne accès mais plus du tout vierge du tourisme grand standing fait d’hôtels « all inclusive », véritables palace ghettos qui se font la guerre pour avoir leur accès privé à la plage. Cette convoitise du front de mer a créé un urbanisme clair : D’un côté de la route, des bidonvilles balinais, de l’autre côté, des pelouses magnifiques, des lampions, des audaces architecturales, des gardes à l’entrée… Nous nous sommes donc retrouvés pour notre première nuit dans un des deux lossmen à 18 euros la nuit : Ambiance décrépie, no man’s land de mauvais goût n’ayant pas les moyens d’être luxueux et n’ayant plus l’identité d’être balinais. Notre premier contact avec Bali se révélait assez dure. La plage de Jimbaran a rattrapé cette impression tant c’était beau mais là encore, l’ambiance carte postale publicitaire règne. Sandrine s’est beaucoup amusée à prendre en photo les différents couples qui se prennent en photo… Ici, la « lune de miel » est reine : on fait la moisson de photos dans les nouveaux habits assortis, on prend les pauses, on change vite de robes avant que le soleil ne se couche pour avoir le maximum de clichés différents, certains(es) sont très exigeants (es) sur la façon, l’endroit… Les balinais participent à cette mise en scène en alignant les lampions en forme de cœur lorsqu’un intermédiaire leur annonce qu’un couple en lune de miel arrive, on les accueille alors fleur de frangipanier dans la chevelure… C’est « too much » et en même temps, c’est touchant.

    Mais enfin, point trop n’en faut, le lendemain, nous sommes partis tôt. Nous voulions retrouver le décor (le nôtre cette fois ci…) et nous organiser concrètement pour la représentation de la semaine prochaine.

    « Concrètement », j’ai flotté une matinée avant de retrouver le sens exact de ce terme, une matinée où il fallait retrouver le chemin de la mobilisation efficace… Il faut préciser à notre décharge que notre première visite à l’Alliance Française fut remuante : un taxi qui ne trouve pas l’adresse, mon téléphone portable indonésien qui épuise son crédit au moment où le standardiste de l’Alliance nous précise l’adresse, une petite heure de marche avec sac à dos avant de trouver et la peur panique qui me saisit lorsque nous voyons qu’il manque un colis où toutes les marionnettes et les draps se trouvent… Heureusement que la Directrice de l’Alliance, Audrey, nous a expliqué avec douceur que la poste met parfois des colis de côté et qu’elle allait envoyer immédiatement quelqu’un pour vérifier. Après vérification, le colis était bien dans un coin et j’aurais embrassé le gardien lorsque je l’ai vu arriver. Cette petite épreuve nous a permis d’apprécier d’emblée la rencontre avec la directrice de l’Alliance. Calme, accueillante et efficace, cette jeune femme de 26 ans nous ouvrait la porte vers un Bali moins clichés que la veille. Avec Sandrine, nous découvrons avec plaisir une de ces anges gardiens qui ont rendu possible le projet et avec qui nous avions échangé tant de mails de préparation. Restent Sophie, Marie et Ria à découvrir mais d’ores et déjà, nous pouvons affirmer que ce sont des excellentes responsables culturelles qui rendent possibles les projets au lieu d’appliquer l’indifférence et la non-réponse qui visent à décourager les plus audacieux… Bref, passons, l’aigreur me gagne et elle n’est pas compatible avec la philosophie hindouiste qui veut que les énergies négatives en appellent d’autres. D’ailleurs, il a fallu des énergies positives bien puissantes pour protéger notre colis des maltraitances de la poste. Une boite en plastique protégeant les petites pièces en miette et une bouteille d’encre explosée juste à côté des draps… Nouvelle phase de stress et incompréhension totale lorsque nous nous apercevons que l’encre s’est collé aux parois de la valise en ne créant qu’une seule minuscule tâche… Des perles de sueur ont alors coulé sur mon front abritant des méninges stupéfaites : Physiquement, gravitationnellement, ce phénomène n’est pas possible !

    Nous sommes restés deux jours à Denpasar pour vérifier tout notre matériel, refaire un cocon que nous n’avions pas pu emporter faute de place et organiser notre venue à Tampak Siring où nous avions prévu de rester une semaine avant de jouer. Cette destination était à 1h30 de taxi et nous craignions que le décor ne rentre pas dans le coffre. Là encore, à 0,5 cm près, cela est passé et nous a évité une location beaucoup plus onéreuse… Mais qu’est ce qui se passe ? Sommes-nous vraiment protégés ? En trois jours, je commençais à céder à cette ambiance balinaise dans laquelle les Dieux interviennent directement dans les affaires d’ici bas. Le voyage en taxi et le fait de quitter Denpasar, la « capitale », allait nous faire encore plus pénétrer dans cette ambiance. La mauvaise impression du premier soir s’estompait au fur et à mesure que le taxi avançait, le Bali touristique laissait la place à une nature foisonnante, des restanques de petites rizières, des balinaises portant sur leur tête des lourds paniers, des alignements de sculptures hindouistes et plus rarement bouddhistes, des tas de pierres volcaniques servant à la construction, des routes serpentines où les véhicules se croisent à peine et au fond, les Volcans : Mont Batur, Mont Agung, Mont Kintamani…. Ce sont eux les vrais Dieux de l’île, eux qui font la fertilité extraordinaire de cette terre où l’on peut récolter le riz jusqu’à trois fois par an, eux qui donnent cette pierre tendre des sculptures, eux qui se réveillent tous les 40 ans provoquant des drames où les morts se comptent par milliers… Ce sont enfin eux qui rappellent que Bali fait partie de la « ceinture de feux » dont je vous avais parlé dans un des premiers articles. Par rapport au Vietnam, la présence des volcans amène un nouvel élément face à l’eau des rizières et le bois des forêts : l’élément du feu qui menace dans les entrailles de l’île. Ce rapport aux démons de dessous est très présent lors de notre arrivée car trois jours avant, les Balinais ont fêté leur nouvel an lunaire. Cette fête nommée « Nyepy » donne lieu aux défilés des « OGOH OGOH », énormes colosses démoniaques que les balinais mettent trois semaines à fabriquer et qu’ils portent à travers les rues de la communauté en poussant des cris de défoulement. Le soir donne lieu à des rituels de possession et d’intenses prières… Le lendemain, il est interdit de sortir, d’utiliser l’électricité, de boire, de manger, même l’aéroport est fermé, les démons sont réveillés et il faut les laisser roder en paix. Sortir serait s’exposer à leur gourmandise insatiable…

    Ce dialogue permanent entre chaos et harmonie semble très important dans le quotidien des balinais et dans leurs croyances. Leurs efforts de célébration participent de l’Ordre du monde c’est pourquoi il n’y a aucune semaine sans cérémonie, aucune matinée sans la fabrication d’offrandes, aucune journée sans les ablutions dans les cours d’eau. L’élément aquatique est aussi présent qu’au Vietnam voire même encore plus de par le caractère insulaire : océan, pluie, sources d’eau pure jaillissantes des volcans, l’eau est la douceur du quotidien. « Suda mandi ? » (Déjà baigné ?) vous demande-t-on le matin au réveil, « Suda mandi ? » vous demande-t-on encore le soir après mangé. « Suda, suda… ». Ici, lorsqu’on dit deux fois le même mot, c’est qu’on l’a fait encore plus.

    Dès notre arrivée à Tampak Siring, les deux volontaires français sur place, Natacha et David, nous accueillent dans la maison de Sandie (« Rumah Sandie»), la responsable de l’association qui nous accueillait (association ADEDVI : http://www.adedvi.fr/. Cette association gère une école primaire grâce aux fonds récoltés en France par Sandie et son mari balinais, Nyoman. Comme beaucoup d’habitations balinaises, la maison de Sandie est située dans un ensemble communautaire familial où les frères, sœurs et parents vivent ensemble dans des maisons séparés. Les familles composent ainsi des sortes de quartiers. Grâce à David et Natacha qui sont là depuis deux mois, nous sommes tout de suite introduits dans la vie du quartier. En deux mois, ils parlent très bien la langue, soulèvent des cris d’enthousiasme des enfants et des adultes à leur passage et nous avons ressenti un réel attachement de la communauté pour eux. Introduit par eux, nous ne pouvions qu’être bien accueillis et leur expérience nous rassurait sur la suite des événements. Outre Natacha et David, deux autres membres de la communauté était particulièrement chargés de s’occuper de nous : Dewa et sa femme, Jéro. Là encore, il s’agissait de la famille de Sandie dont Jéro est la belle sœur. Tous deux instituteurs à l’école, ils ont l’habitude, la patience et le sourire d’accueillir les petits français venus par le biais de l’association. Enfin, « Mémé » et « Pépé », les patriarches de cette communauté, sont venus discrètement voir les nouveaux venus. Nous sentirons leur présence discrète et indispensable toute la semaine, « Pépé » étant un ancien important de la communauté, « Mémé » étant, entre autre, la gardienne des fourneaux qui prépare notre pitance dès l’aube. Grâce à cet équipage franco-indonésien, les choses n’ont pas traîné : l’endroit de stockage du décor était prêt, une chambre chez le beau frère de Sandie toute prête et toute lavée et le programme de l’après midi bouclé : d’abord aller voir le lieu de représentation ensuite aller à l’école. Qui a dit que la vie dans les îles allait doucement ??? Heureux, excités et stressés par le fait de se présenter à ce nouveau monde, nous nous sommes laissé embarquer.

    Rémi

    Afin de ne pas laisser tout le temps la parole à Rémi, je vais prendre un peu le relais pour la suite de l’article …

    Après un déjeuner typique balinais, composé de riz et de différentes petites préparations (poulet, légumes, soja frit, tofu …), que nous avons dégusté avec les doigts, assis sur une natte, nous avons fait notre première visite à l’école de Sandy. C’était touchant de découvrir ce lieu avec Natacha et David, en presque trois mois de présence ici, ils ont vraiment pu créer des liens avec les élèves qui les abordent de manière vraiment très sympa en se taquinant. L’école est toute colorée et pleine de petits bricolages comme je les aime : des coloriages, des dessins, des petites constructions … Natacha et David interviennent principalement sur les temps du matin avec les plus petits. Chaque semaine, 2 groupes d’enfants tournent : ceux de 7h30 à 10h et ceux de 10h à 12h30. Les lundis, mardis et mercredi sont consacrés aux exercices d’écriture, de lecture et l’exécution de divers petits exercices présents dans un cahier personnel. Les jeudis, c’est la danse et le vendredi la gymnastique rythmé. Le samedi après midi ce sont les plus grand (les 6-10ans) qui occupent l’école avec un cours d’anglais.

    Nous arrivons en plein répétition d’une mini « saynète » en anglais : il s’agit de l’histoire de 3 petites chèvres qui veulent traverser un pont pour aller manger de l’herbe verte, mais sous le pont se cache un ogre …

    La situation idéale pour permettre à Rémi de s’intégrer immédiatement au cours. Tout excité et content de pouvoir communiquer en anglais, il commence à donner des conseils de jeu pour rendre un peu plus dynamique la lecture de ce texte … Il guide les enfants en accentuant des intentions de jeu, par exemple, il leur montre comment faire un ogre qui fait vraiment peur, une petite chèvre toute excitée par l’herbe, un pont qui crisse sous les pas des chèvres et comment fait le bruit des feuilles …

    Les enfants sont vraiment surpris par ses gestes et ses comportements, ils n’arrêtent pas de rire … qui est donc ce monsieur étrange qui vient dans notre classe et qui s’agite dans tous les sens ? Finalement, au bout de 3 passages les enfants commencent à y prendre un peu goût et essaye de jouer le jeu pour la plus grande joie de Rémi. Le professeur d’anglais nous a vraiment fait un cadeau en nous permettant de rencontrer les enfants à cette occasion.

    Puis avant de partir, nous fixons, avec ces même enfants, un rendez vous lundi après-midi pour faire un atelier de marionnettes. Les filles se portent plus volontaire que les garçons, mais nous avons quand même un bon petit groupe de 20 enfants bien motivés et décidés à nous suivre également sur ce coup là. Le défi est lancé !

    Depuis la fête de la nature de Gémenos, j’avais envie de travailler la construction de marionnettes en éléments végétales. Ce désir correspond également au fait que je veux qu’ils découvrent une technique de fabrication qu’ils pourront décliner selon leurs envies et sans avoir des dépenses à faire. Observer la nature et l’utiliser à travers son imaginaire. Cependant, je n’avais pas encore pris conscience qu’ici les éléments naturels sont utilisés presque tous les jours par les femmes balinaises dans la confection d’offrandes pour les dieux. En effet, chaque matin elles déposent sur le pas de leur porte des offrandes construites à base de feuilles de palmier tressées et des fleurs. J’ai également découvert les magnifiques constructions réalisées lors des cérémonies, toujours à l’aide des éléments végétaux … bref, j’ai l’air maline moi avec mes envies de faire des marionnettes en feuilles, alors qu’elles sont capables de réaliser des constructions magnifiques en quelques secondes…

    Dimanche, une journée que j’avais bien l’intention de mettre à profit pour trouver une solution. Dès le petit matin, nous nous rendons dans le jardin de « mémé » pour ramasser des feuilles (inutile de vous dire la richesse du jardin… avec des feuilles de toutes les couleurs et de toutes les tailles… certaines plus grandes que moi …) et nous achetons également les feuilles de palmier et les agrafes végétales que les femmes utilisent. Ils convient de partir de la même base qu’elles et de trouver le moyen de les surprendre.

    On s’installe avec Rémi sur la terrasse de la maison de Sandy et on attaque notre recherche… J’aime beaucoup ce moment, je joue avec tous les éléments que j’ai sous la main … je pense que ce qui me fait le plus râler c’est qu’en France j’aurais du mal à trouver d’aussi belles matières de création… Ce n’est qu’après la sieste que je commence à trouver une piste sérieuse en réalisant un lion ! C’est décidé, je vais m’orienter sur ce procédé demain matin, je vais d’abord l’essayer sur Rémi, David et Natacha avant de le proposer aux enfants !

    Finalement, nous avons eu une trentaine d’enfants (les garçons se sont décidés à nous rejoindre…) pendant 2h. La barrière de la langue, nous a permis de jouer avec les enfants. En leur montrant les différentes parties de mon visage, j’ai pu réviser mon bahasa indonésien : les yeux = mata, le nez = hidon, les cheveux = rambout … et surtout les faire rire en essayant de prononcer ces mots maladroitement. J’aurais tout de même voulu parler un peu mieux pour pouvoir leur demander de laisser plus leur imaginaire parler et ne pas forcement reproduire ce que je leur proposais … Le temps d’atelier a été un peu trop court et j’aurais voulu jouer beaucoup plus avec eux sur la manipulation.

    Fin de l’épisode 1…

    Sandrine

Lost in translation, quatre jours en terre chinoise

Posted in art, marionnette, voyage on 26 mars 2010 by theatreimago

Ca y est ! Nous sommes arrivés à Bali hier et un autre voyage va commencer pour nous. Nous rejoignons le décor aujourd’hui et nous jouerons vendredi prochain (le 26) à Tampak Siring. Notre condition de routard léger, mobile et libre va se transformer pour prendre la forme d’une « tortue roulotte » qui devra bien penser à ses déplacements avant de bouger. Mais je vous en parlerai dans un prochain billet. Avant cela, je souhaite consacrer un temps à notre étape taïwanaise et à notre unique expérience en terre chinoise.

Au Vietnam, nous avons eu quand même un avant goût de cette expérience puisque le Vietnam est très largement influencé par l’Empire du Milieu : l’ancien système mandarinal, la langue et les religions sont issus en grande partie du grand voisin. Le terme même de « Viet » vient de « Yué » qui désigne les chinois du Sud. Toutefois, l’ancienne présence française et la forte identité vietnamienne ne nous donnaient pas l’impression d’être en Chine. Seul le quartier de Cholon (prononcé Tieu Lon) à Saïgon, que nous avons visité le dernier jour, nous a vraiment plongé dans un univers chinois. Cholon, c’est le quartier commerçant de Saïgon, le cœur économique qui a fait l’importance de cette ville. C’est aussi le lieu des anciennes fumeries d’opium, des bordels et autres lieux sombres où certains européens allaient s’oublier… Ce quartier a longtemps été tenu par une organisation clanique et familiale selon laquelle les secteurs commerciaux étaient répartis selon la région d’origine de telle ou telle diaspora chinoise. Inutile de vous dire que les secrets de cette organisation sont impossibles à pénétrer pour un occidental même encore aujourd’hui. Cela relève d’un mélange subtil entre organisation mafieuse et ciment du culte des ancêtres. D’ailleurs, la visite de Cholon reflète cette image puisqu’on va y voir de magnifiques temples confucéens et un marché grouillant où la multitude des gens et des objets tournent vite la tête. Dans les premiers, on y vénère des déesses de la fertilité, des mandarins vénérables et un le Général Quang particulièrement effrayant avec son visage rouge. Dans le marché, un malaise s’installe vite et notre condition de petit occidental « carte bleue » perd ici tout pouvoir. C’est un des rares endroits au Vietnam où le pouvoir communiste n’a pas réussi à totalement bannir les idéogrammes chinois. Nous avons tout de suite senti que nous n’étions pas les bienvenus. L’exemple le plus flagrant fut lorsque trois jeunes lascars m’ont carrément entourés, sourire narquois aux lèvres. Un des trois m’a montré mon pantalon d’un air tellement méprisant que j’en ai eu la haine dans le regard. Précisons tout de suite qu’il s’agissait d’un pantalon portefeuille habituellement porté par la gente féminine. Cela faisait quelque fois que je le portais et nous avions eu droit à l’amusement bienveillant de certains vietnamiens. Là, la bienveillance manquait quelque peu et je leur aurais bien fait manger leur regard mais bon… l’évaluation de la situation est vite faite à Cholon : on ne fait pas le mariole et j’ai tourné les talons tout rassuré d’avoir encore une direction de libre pour les tourner… Cela nous a coupé les pattes avec Sandrine et nous avions les jambes en coton de nous être retrouvés si vulnérables. En fait, c’est aussi un apprentissage de l’Asie : le regard et le contrôle social est bien plus puisant, accepté et explicite ici que dans notre quotidien français individualiste et contestataire. Je ne suis pas en train d’écrire qu’il n’existe pas de contrôle social en France… Je ressens juste une plus grande prégnance des systèmes de canalisation. Ceci semble avoir des bons et des mauvais côtés. Du côté des bons, parlons des formes de solidarité très diversifiées que nous trouvons au quotidien. Parlons aussi de la cellule familiale omniprésente dans tous les aspects de la vie et qui forme une sorte de tampon entre l’individu et le capitalisme sauvage qui domine aujourd’hui les échanges économiques asiatiques (même en pays communiste). Parlons enfin de la religiosité du quotidien connectée avec une certaine conscience de faire partie d’un tout. Le Culte des ancêtres sert de stabilisateur pour les hiérarchies. Le revers de la médaille, c’est la peur de se singulariser, le conformisme qui en découle ainsi que le manque d’initiatives. Je suis souvent frappé de voir avec quel niveau d’ingéniosité est appliqué le système D, quelle force quotidienne le vietnamien lambda développe pour survivre et de voir, en même temps, la force de reproduction du système social. Toute cette ingéniosité et cette force quotidienne sont destinées à la seule survie. Les notions d’épanouissement, de réalisation ou d’ambition sont très peu présentes dans le discours des personnes avec qui nous pouvons nous entretenir. Quand la notion de « réussite » apparaît, elle signifie accumulation d’argent et de possession. La voiture, le téléphone, la montre, la marque du vêtement, des chaussures restent les marqueurs sociaux déterminant, plus ils sont voyant, mieux c’est. Le meilleur exemple de cette ostentation quotidienne est la voiture 4*4 qui chante le « Boléro » de Ravel chaque fois qu’elle recule… Cela rend le rapport social très lisible et assez violent.

 

J’associe ces remarques à notre étape taïwanaise car nous avons connu à Taipei un autre niveau de développement économique. « Petit Japon », Taïwan connaît un niveau de vie et de développement quasiment similaire au nôtre (du moins à Taïpei). Ici, pas de course aux touristes, on les fuit même car ils s’adressent à vous en anglais comme si cela relevait de l’évidence et ils font perdre du temps. En plus, ils ne savent pas lire les marquages sans quoi la Société serait un chaos indescriptible. Dans le métro, par exemple, ne vous plantez pas sur le quai n’importe où en attendant la prochaine rame. Faites la queue dans les marquages au sol qui correspondent à l’emplacement exact de l’ouverture des portes. C’est évident, voyons ! Il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre que nos quatre jours à Taipei seraient éprouvant tant l’absence de repère est totale. Je vous avais écrit lors du billet thaïlandais que nous ne souhaitions pas d’une Thaïlande soustitrée en anglais. Cette expérience nous avait bien plu car les Thaï restaient courtois et accueillants. Il n’en va pas de même pour les taïwanais… Non seulement nous sommes perdus mais nous devons subir en plus certains taïwanais qui nous poussent, nous passent devant lors de la queue, nous regardent de travers si jamais on ose demander une info écrite en chinois sur un papier…L’occidental est décadent moralement, il peut donc être chahuté et ne pas faire l’objet des mêmes préventions que les autres taïwanais… Heureusement que ce parcours du combattant a été ponctué par des personnes extrêmement gentilles qui se sont mises en quatre pour nous trouver un taxi, traduire l’adresse, nous prêter leur téléphone portable, traduire uprès de la guichetière pétrifiée par le fait de parler anglais… En fait, je dirais que, pris collectivement, les Taïwanais sont franchement désagréables au premier abord mais dès qu’une véritable relation de personne à personne s’instaure, ils sont redoutablement efficaces pour vous sortir de pétrin. Pour exemple, nous devions acheter notre billet pour retourner à Hanoi en juin. Cela coûtait moins cher de l’acheter à Taipei mais nous ne pouvions pas le faire à l’aéroport. Nous voilà donc en quête de l’agence « Vietnam airlines » à Taipei. Après moultes recherches et un aller retour infructueux dans un aéroport plus petit qui ne faisait que les vols pour la Chine continentale, nous réussissons enfin à avoir le numéro de téléphone. Il était alors 16.30 et nous savions que tout ferme à 18.00. Nous avions une heure et demi pour trouver cette agence sachant que nous n’avions que le numéro de téléphone. Je téléphone donc depuis une cabine téléphonique à pièces. Sandrine avait la lourde responsabilité de surveiller le débit des pièces et moi de comprendre le débit de paroles de mon interlocuteur. Ils m’indiquent alors leur adresse, la station de métro la plus proche et le numéro. Autant vous dire qu’il y a eu une certaine déperdition d’informations entre sa bouche et mon oreille… Nous nous rendons vite au métro et à la rue indiquée et nous trouvons un snack resto… Il était 17.20 et je me voyais déjà baisser les bras lorsque la tenancière du snack m’aborde en me demandant ce que je cherche. Je lui tend mon papier tout griffonné ou seul le numéro était lisible. Ni une ni deux, elle prend son téléphone, note l’adresse en chinois sur mon papier, arrête un taxi, lui explique l’adresse et nous fait monter dedans. Dans ce genre de situation, il faut plus chercher à maîtriser quoi que ce soit : le taxi va-t- nous faire faire le tour de taïpei en faisant tourner le compteur? et si il nous lâche à une mauvaise adresse ? et si et si… Il faut bien comprendre que je ne connaissais même pas le nom de l’agence car il me l’avait donné en chinois… Et l’heure tourne… Au bout de dix minutes, le taxi s’arrête devant un immeuble gris où nous ne voyons pas d’agence. Je reste dubitatif, le taxi me fait le signe 4 avec les doigts et un signe vers le ciel. Nous comprennons alors qu’il faut monter au quatrième étage de cette barre d’immeuble. Nous prenons l’ascenceur et lorsque les portes s’ouvrent, ô miracle, nous nous retrouvons au cœur d’une agence avec petite statues thaïlandaise, photos de paysages tropicaux et un accueil très chaleureux de la personne que j’avais eu au téléphone. Il était 17.50… Nous avons eu nos billets moins chers et nous étions tout contents avec Sandrine… Il suffisait d’une petite bonne femme providentielle…

A Taïwan, nous avons senti aussi la fierté de la Grande Chine, celle de l’Empire multi-millénaire qui survit sur cette île malgré son exil du continent et malgré la fracture communiste de 1949. Le nom officiel de Taïwan est « R.O.C. » (Républic of China) et le grand allié américain veille à ce que la Chine continentale (La République populaire de Chine) ne porte pas atteinte à la souveraineté de ce petit Etat qui porte un grand nom. Au cœur de la ville, deux monuments gigantesques célèbrent d’ailleurs les deux figures majeures de cette autre Chine politique : Sun Yat Sen, père de la première République en 1911 et Chang Kai Chek, opposant farouche de Mao qui organisa le repli sur Taïwan. Cette condition d’oasis nationaliste chinois a fait la richesse de Taïwan : toute l’intelligentsia chinoise ayant pu fuir la révolution culturelle a pris soin de faire de cette île un modèle de la culture chinoise : l’ancienne écriture a été conservée et une partie du patrimoine impérial a été sauvé de justesse. Cela a donné naissance au plus grand musée d’art chinois : la National Palace Museum que nous avons pu visiter. Là, les mots sont vite pris de court, c’est tout simplement extraordinaire ! L’âge de jade, l’âge de bronze, les peintures, sculpture, céramiques des différentes dynasties sont époustouflantes et exposées avec un soin qui n’a rien à envier au Louvres ou British Museum. Devant ces œuvres, cette finesse, cet art consommé de la perfection de chaque détail, nous avons eu vraiment l’impression d’être privilégiés.

 

 

La seule fausse note de cette visite fut le vacarme hallucinant des hordes de touristes asiatiques. C’était insupportable et marrant à la fois. Insupportable car la contemplation est quelque peu gâchée par les renaclements de nez bruyants et les rires tonitruants de groupes du 3ème âge ne regardant rien aux œuvres et gueulant comme des putois. En fait, les visites de groupes se font grâce à des casques retransmettant les commentaires du guide qui parle dans un micro HF. Tout cela a été conçu au départ pour être plus discret. Mais dans les faits, le guide gueule dans son micro car il a l’impression de pas être amplifié et les visiteurs gueulent entre eux car ils couvrent la voix du guide qui gueule dans leur casque… C’était marrant aussi de voir les gardiens demander le silence avec beaucoup de respect et de retenue (culte des anciens oblige…). Certaines hôtesses du musée tenaient une pancarte avec écrit « please quiet » dessus… Encore un paradoxe saisissant entre cette image de retenue asiatique et ces hordes de nouveaux riches sans gêne, arrogant et incultes. L’un d’eux m’interpelle en anglais alors que nous faisions un activité « création de tampon » réservée aux enfants. Il est habillé tout de cuir (de la casquette aux chaussures) et parle très près de mon visage en criant littéralement. C’était surréaliste d’autant plus que la scène se passait dans l’aile du musée réservée aux enfants. Après m’avoir demandé ce que je faisais, il m’invite à venir à Quang Zou, une ville côtière de la Chine continentale où il dirige cinq restaurants et où il nous offrira le repas. Il m’écrit son nom en chinois mais aussi son nom en anglais : « Lovemoon Suneast ». Au début, je croyais que c’était le nom de son resto… Un gardien vient alors lui demander de baisser d’un ton, il acquiesse et repart de plus belle en me postillonant à la face son envie d’exercer son anglais… Je m’extirpe difficilement de cet échange grâce à un « Chi Chiè » timide (merci en chinois).

Le responsable des activités éducatives qui nous avait aidé à fabriquer les tampons me rejoint alors pour me dire que normalement les chinois sont plus discrets. Je ne comprends pas tout ce qu’il m’explique mais je ressens une gène, même peut être une honte, du comportement de « lovemoon ». Il m’explique alors le sens du poeme que nous venons d’imprimer, il me dit que c’est écrit dans les « vrais » idéogrammes différents de ceux du continents qui n’ont plus de « culture ». Il me dit qu’il est à la retraite maintenant mais qu’il fait de nombreuses activités : il est volontaire au musée et enseigne le mandarin … Sa relation est simple, facile et belle… Il me regarde dans les yeux sans être trop intrusif. Ensuite, nous passons à une autre activité où il s’agit de construire un pont vouté grâce à des coussins. Il nous montre comment l’égalité des distances entre l’extrémité du pont et la clef de voute permet la solidité de l’ensemble sans piliers. Il me dit alors qu’il était ingénieur dans la vie civile. Je crois que c’es le moment que j’ai préféré à Taiwan. Pendant une bonne demi heure, nous étions devenus des enfants apprenant les secrets de cette immense civilisation.

Nous irons au « Traditional Thaï Puppet Theater » à pied !

Posted in art, marionnette, spectacle vivant, théâtre, voyage on 26 février 2010 by theatreimago

Malgré plusieurs kilomètres de marche à pied et les conseils de nombreux thaïlandais nous conseillant de prendre un Tuk-tuk ou un taxi nous décidons de tenir bon ! Nous sommes tellement excités à l’idée de voir notre premier spectacle de marionnettes Thaï que nous pourrions même y aller en courant (quoi que la chaleur est tout de même étouffante).

Nous arrivons au « Théâtre Joe Louis » (drôle de nom qui se double de « traditionnal thai puppets theatre ». Vous pouvez voir leur site sur http://www.thaipuppet.com ). Il s’agit d’un théâtre en arrière salle d’un restaurant très branché dans le quartier Silom.

Le billet d’entrée est très cher pour la vie à Bangkok (1800 bath soit 42 € pour 2). A coté de l’entrée, on peut visiter une salle dans laquelle sont exposées plusieurs marionnettes. La qualité de ces marionnettes nous fait oublier notre échange avec l’ouvreuse sur le prix du billet pour des comédiens …

Voici quelques photos …

Elles mesurent environ une quarantaine de centimètre et sont en bois. On remarque l’incroyable qualité des costumes et la précision des détails (broderie, perles, finesse des traits …)

Pendant le spectacle, nous découvrirons que ces marionnettes se manipulent à trois : un marionnettiste tient le haut du dos et le bras droit (à l’aide d’une baguette), un autre le bras gauche (toujours à l’aide d’une baguette) et le dernier les pieds qu’il tient dans ses mains.

 

Nous rentrons dans la salle qui est presque vide. Cela me surprend car de nombreux panneaux affichaient le spectacle dans Bangkok. Les touristes ne doivent pas particulièrement être intéressés par les marionnettes.

Le spectacle commence par une projection en l’honneur du roi. Tout le monde se lève pour lui rendre hommage le temps de l’hymne thaïlandais (cela se fait souvent en Thaïlande, le matin à 8h, le soir à 18h et lors des spectacles. Il faut alors se lever et observer un temps d’immobilité). Ensuite, une mini projection nous explique la tradition des marionnettes thaïlandaises. Le spectacle retrace la vie de maitre Sarkorn autrement appelé Joe Louis (le propriétaire) et de sa pratique de la marionnette. La mise en scène nous invite à découvrir le mode de manipulation car nous avons accès à l’envers du décor (une scène amovible nous montre les comédiens de dos puis de face).

Je suis particulièrement bluffée par la synchronisation des marionnettistes, ils bougent ensemble comme une vague et reproduisent les mêmes mouvements que la marionnette. Cela ressemble à une chorégraphie de 4 « pantins » articulés.

On nous apprend que les marionnettistes doivent bien connaître le jeu du théâtre traditionnel (le Khon que je commenterai après) pour donner à leur marionnette la même gestuelle que les héros du Ramayana.

Pendant la manipulation, je remarque aussi que le troisième marionnettiste qui ne tient que le bras gauche place sa main sur les reins du second marionnettiste qui tient les pieds sûrement pour être plus synchrone et créé ce mouvement d’ensemble particulièrement coordonné.

Un autre tableau nous présente un homme manipulé comme une marionnette par un autre à l’aide de deux baguettes au bout de ses mains. Là encore, j’admire la parfaite synchronisation des mouvements. Tout le mouvement est marqué par une grande fluidité des corps et la rigidité des deux baguettes qui dynamisent la danse et relient le marionnettiste et sa marionnette humaine dans un rapport direct.

Dans le dernier tableau du spectacle, il s’agit d’une marionnette Mickael Jackson. Malgré la qualité de la manipulation, nous sommes un peu déçus ! Pourquoi ce mélange ? Il semble que cela soit pour satisfaire le public qui silencieux jusqu’alors se met à crier, à rire et à applaudir …

Le spectacle n’aura finalement duré qu’une petite heure et c’est avec un peu de regret que nous quittons le théâtre. A trop vouloir nous donner de clés pour nous permettre de comprendre la pratique de la marionnette thaï, la mise en scène devient folklorique. Nous sommes devant une vitrine explicative et non devant un acte « sacré ». On est un peu coupé de la raison d’être première de cet art. Cependant, je veux bien comprendre que les enjeux artistiques soient différents ici. La conservation de ce patrimoine culturel immatériel est nécessaire et nécessite une certaine démarche pour la maintenir existante. Nous étions à la cherche d’une authenticité et une sincérité et nous avons rencontré des artistes qui se croyait obliger de « faire spectacle » comme si leur présence et la beauté de leurs marionnettes ne se suffisaient plus à elles-mêmes !

Le Guide du routard aurait il commit sa première erreur en nous guidant dans un attrape touriste ?

 

Aurons-nous plus de chance au Théâtre Royal de Bangkok ?

Le lendemain, nous nous rendons au grand Théâtre Royal (le Khon theatre) pour découvrir cette fois ci la pratique des masques thaïlandais (http://www.salachalermkrung.com/). Nous prenons les places au grand palais (400 bath pour 2 ! beaucoup plus raisonnable). Nous sommes en avance. Pendant que Rémi téléphone pour réserver notre hôtel pour demain, je reste dans le hall d’entrée à écouter une jeune fille qui joue d’un drôle d’instrument. A l’aide de deux petites baguettes toutes fines, elle tape sur des cordes disposées sur une table d’harmonie horizontale. Le son est très doux et m’emporte.

Nous sommes invités à rentrer dans la salle de spectacle. Celle-ci est encore plus vide que la veille. Un groupe de musicien se met en place sur la droite de la scène. Ils sont une dizaine (le pi-thai, version thaï du gamelan indonésien).

Le rideau s’ouvre et à nouveau une projection en l’honneur du roi défile. Nous lui rendons hommage en silence. Un petit film nous présente ensuite la tradition des masques thaïlandais et nous présente les principaux personnages du Ramakien, version Thaï du Ramayana. « Pour ne pas la faire trop longue », ils nous expliquent qu’ils ne joueront que des passages mettant en scène un héros très populaire nommé « Hanuman ». Il s’agit du général des singes qui aide Rama, réincarnation de Shiva, à combattre le chef des démons.

Le rideau se referme et un homme vêtu d’un uniforme blanc se présente à nous, nous salue et commence à dire le texte avec un micro. Sa voix est chantante avec des modulations vocales dans les voyelles. C’est le narrateur du spectacle car les acteurs ne parlent pas eux-mêmes. Les masques recouvrent l’entièreté de leur tête et empêchent la projection de leur voix. Le spectacle commence. Nous retrouvons les mêmes costumes et masques colorés qu’au spectacle de marionnettes. La somptuosité des couleurs, leur éclat (beaucoup d’or) nous font basculer dans un univers différent de nos imaginaires. Les comédiens dansent plus qu’ils ne jouent et accentuent chaque intention de jeu pour nous permettre de bien comprendre le sens des situations. Je suis particulièrement attiré par le geste de leur main, celles-ci sont extrêmement recourbées vers l’extérieur et accompagnent tout leur mouvement. Je trouve ces gestes très délicat et féminin.

Bien qu’au début, je trouvais un peu « kitch » ces ornements d’or, ces couleurs très vives et la surenchère des objets, je commence à mieux comprendre ces coutumes locales et à les apprécier. En France, vous avez sûrement du trouver « too much » la décoration d’intérieure des restaurants thaïlandais et pourtant ici je vous assure que cela prend beaucoup plus de sens.

Grâce à une bande au dessus de la scène nous avons accès à une traduction très simplifiée du spectacle. Comme je vous l’expliquais plus haut, il s’agit d’un extrait du récit du Ramayana qui est présent dans tous les arts thaïlandais (statuaire, peinture, théâtre, danse…) D’ailleurs, nous avons pu le découvrir aussi sous forme d’une grande fresque murale au Grand Palais.

 

Malheureusement, nous n’avons pas été autorisés à prendre des photos pendant les spectacles, mais voici quelques photos de masques prises à l’exposition de marionnettes.

Le spectacle est de bien meilleure qualité que la veille.  Un véritable travail de mise en scène, de recherche scénographique et de création lumière a été fait. Et surtout le spectacle est joué par une quarantaine de personnes. Cela doit être une sacrée équipe à diriger !

Le côté traditionnel et la répétition d’une même histoire nous a questionné sur la liberté d’interprétation des comédiens. Exécutant plus ou moins habiles ? Interprètes ? Créateurs ? Cela s’éloigne grandement de notre conception de l’artiste individualiste et marginal. Pourtant, certains comédiens paraissaient plus « chargés » que d’autres et nous avons assisté quelques fois à des mini improvisations de certains personnages à la périphérie de l’action principale. Ce fut le cas notamment lors de la scène finale où le focus était sur le Roi singe qui se glorifie de sa victoire (très peu d’intérêt en soit) et côté cour, un personnage singe essayait de charmer une petite dame de compagnie qui essayait de garder son calme. C’était comme si le tableau prenait son intérêt grâce à cette petite animation qui décentrait totalement l’attention. Peut être que la liberté des interprètes réside dans cette façon d’exister dans des contraintes formelles si fortes.

Un seul petit détail m’a gêné pendant le spectacle, le comédien d’un des personnages principal avait oublié d’enlever l’étiquette de son masque par conséquent, celle-ci s’est balancé pendant tout le spectacle à chaque mouvement de tête …. Ce petit détail nous a aussi questionné sur l’importance qu’a encore ce spectacle pour les comédiens. Est-il une coquille vide juste bon à préserver un patrimoine ? Un passage obligé pour leur permettre de vivre ou de rentrer dans la profession de comédien ? De quoi rêvent ces comédiens : de télé, de cinéma ou de théâtre traditionnel ? Nous nous sommes beaucoup posé la question durant le spectacle. Pourtant, lors du salut, lorsqu’ils ont enlevé leur masque, on a senti une certains fierté malgré le peu de public. Nos applaudissements, bien que fournis, ne faisaient que révéler le vide de la salle… Rémi a beaucoup été touché par cette fierté du salut.

Sandrine